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deux coudées ; son corps était incrusté d'or, sa couleur comme celle du lapis vrai, et il s'arrêta en avant de moi.
Il ouvrit la bouche contre moi, tandis que je restais sur le ventre devant lui, il me dit :
" Qui t'a amené, qui t'a amené, vassal, qui t'a amené ? Si tu tardes à me dire qui t'a amené dans cette île, je te ferai connaître ce que tu es : ou, dans la flamme, tu deviendras invisible, ou tu me diras ce que je n'ai pas entendu et que j'ignorais avant toi ".
Puis il me prit dans sa bouche, il me transporta à son gîte et il m'y déposa sans que j'eusse du mal ; j'étais sain et sauf et rien ne m'avait été enlevé.
Lors donc qu'il eut ouvert la bouche, tandis que je restais sur le ventre devant lui, et lorsqu'il m'eut dit :
" Qui t'a amené, qui t'a amené, vassal, en cette île de la mer et dont les deux rives sont des flots ? "
Je lui répondis ceci, les mains pendantes devant lui, et je lui dis :
" Moi, je descendais aux mines, en mission du Souverain, sur un navire de cent cinquante coudées de long sur quarante de large, et qui portait cent cinquante matelots de l'élite du pays d'Egypte, qui avaient vu le ciel, qui avaient vu la terre, et qui étaient plus hardis de coeur que des lions.
Ils avaient prédit que la bourrasque ne viendrait pas, que le désastre ne se produirait pas ; chacun d'eux était hardi de coeur et fort de bras plus que ses compagnons et il n'y avait point de lâches parmi eux.
Or la bourrasque éclata tandis que nous étions au large, et avant que nous eussions joint la terre, la brise força et elle souleva une vague de huit coudées.
Une planche, je l'arrachai ; quant au navire, ceux qui le montaient périrent, sans qu'il en restât un seul durant mes trois jours, et maintenant me voici près de toi. Moi donc j'abordai dans cette île et ce fut grâce à un flot de la mer ".
Il me dit :
" Ne crains pas, ne crains pas, vassal, et n'attriste pas ton visage ! Si tu arrives à moi, c'est que Dieu a permis que tu vécusses, et il t'a amené à cette Ile de Double (?) où il n'y a chose qui ne s'y trouve, et qui est remplie de toutes les bonnes choses.
Voici, tu passeras mois sur mois jusqu'à ce que tu aies séjourné quatre mois dans cette île, puis un navire viendra du pays avec des matelots ; tu pourras aller avec eux au pays et tu mourras dans ta ville.
C'est joie de raconter pour qui a goûté le passage des tristesses : je te ferai le conte exact de ce qu'il y a dans cette île.
J'y suis avec mes frères et mes enfants, au milieu d'eux : nous sommes au nombre de soixante-quinze serpents, mes enfants et mes frères, et encore je ne mentionne pas une jeune fille qui m'a été amenée par art magique.
Car une étoile étant tombée, ceux qui étaient dans le feu avec elle en sortirent, et la jeune fille parut, sans que je fusse avec les êtres de la flamme, sans que je fusse au milieu d'eux, sans quoi je serais mort de leur fait, mais je la trouvai ensuite parmi les cadavres, seule.
Si tu es brave et que ton coeur soit fort, tu serreras tes enfants sur ton sein, tu
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