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Ce conte populaire retrouvé intact à quelques mots près, est un exemple-type de la langue claire et élégante de la littérature de la XIIe dynastie.
Un capitaine égyptien, ayant fait naufrage, doit s'expliquer à son retour.
- Le Serviteur habile dit :
" Sain soit ton coeur, mon chef, car voici, nous sommes arrivés au pays : on a pris le maillet, on a enfoncé le pieu, la poupe du navire a été mise contre terre.
On a poussé l'acclamation, on a adoré et tous les gens s'embrassent les uns les autres.
Nos matelots à nous sont revenus en bon état, sans qu'il nous manque un seul de nos soldats.
Nous avons atteint les extrémités du pays d'Ouaouaît, nous avons traversé Sanmouît, et nous maintenant nous revenons en paix, et notre pays nous y arrivons !
Ecoute-moi, mon chef, car je suis sans ressource.
Lave-toi, verse l'eau sur les doigts, puis présente ta prière et dis ton coeur au roi, et quand tu parleras ne te démonte pas, car si la bouche de l'homme le sauve, sa parole lui fait voiler le visage. Agis selon les mouvements de ton coeur, et que ce soit un apaisement ce que tu diras.
Or, je te ferai le conte exact de ce qui m'est arrivé à moi-même.
J'allais aux mines du Souverain, et j'étais descendu en mer sur un navire de cent cinquante coudées de long sur quarante coudées de large qui portait cent cinquante matelots de l'élite du pays d'Egypte, qui avaient vu le ciel, qui avaient vu la terre, et qui étaient plus hardis de coeur que des lions.
Ils avaient prédit que la bourrasque ne viendrait pas, que le désastre ne se produirait pas, mais la bourrasque éclata tandis que nous étions au large, et, avant même que nous eussions joint la terre, la brise força et elle souleva une vague de huit coudées.
Une planche, je l'arrachai ; quant au navire, ceux qui le montaient périrent sans qu'il en restât un seul.
Moi donc, j'abordai à une île et ce fut grâce à un flot de la mer.
Je passai trois jours seul, sans autre compagnon que mon coeur, et la nuit je me couchai sous une voûte de buissons où l'ombre m'enveloppait, puis j'allongeai les jambes à la recherche de quelque chose pour ma bouche.
Je trouvai là des figues et du raisin, des poireaux magnifiques, des baies et des graines, des melons de toute espèce, des poissons, des oiseaux ; il n'y avait chose qui ne s'y trouvât.
Donc, je me rassasiai, je posai à terre une partie de ce dont mes mains étaient chargées : je creusai une fosse, j'allumai un feu, et je dressai un bûcher de sacrifice aux dieux.
" Voici que j'entendis une voix tonnante, et je pensai : C'est une vague de mer " Les arbres frissonnèrent, la terre trembla, je dévoilai ma face et je connus que c'était un serpent qui venait, long de trente coudées, et dont la barbe dépassait
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